Sonia Heptonstall (1931-2020)

Née le 8 mai 1931 

Décédée le 19 mars 2020 des suites du COVID-19 

Une photo choisie par Sonia Margaret (Ring) Heptonstall pour un C.V. rédigé à l’époque où elle était professeure et coordinatrice du Département des relations internationales de la Geneva Business School. 

Je suis certaine qu’elle aimait bien cette photo, Sonia, le regard pétillant droit devant, le sourire présent, mais à peine esquissé d’une femme de tête, les lunettes de la brillante intellectuelle qu’elle était, les cheveux courts de la femme indépendante envers et contre tout. Ces dernières années, ces magnifiques cheveux étaient longs, en chignon ou queue de cheval, mais pour le reste, rien n’avait changé.

De Sonia, je garde le souvenir d’une Soroptimist convaincue et convaincante, d’une amie fidèle de notre Club Genève-Rhône, qui, peu importe la météo, sa fatigue ou ses préoccupations, était de toutes nos réunions, de toutes nos conférences, moments qu’elle aimait particulièrement, tant les challenges intellectuels étaient sa tasse de thé. Elle aimait être parmi nous, à vrai dire, elle aimait tout simplement être avec des Soroptimists, avec des femmes qui partageaient ses valeurs.

Il faut dire que les Soroptimists faisaient partie de sa vie depuis toujours, depuis son enfance anglaise dans une famille d’éducateurs, un attachement quasi viscéral. J’ai en effet appris d’Anita Waser, qui aimait échanger avec Sonia en anglais, qu’après son divorce, Marjorie Lilian Ring, la mère de Sonia, avait trouvé un travail grâce aux Soroptimists. Puis, elle a élevé sa fille seule tandis que son autre enfant partait avec le père. Scolarisée avec les enfants de la Seconde guerre mondiale réfugiés dans le sud de l’Angleterre, Sonia a conservé un intérêt très vif pour l’histoire, la sociologie et les choses de la vie; en particulier tout ce qui concerne la participation citoyenne et la promotion du rôle des femmes. 

Ces intérêts la conduisent tout naturellement vers des études d’histoire (BA Honours History, University of Bristol), suivies d’un Teaching diploma de l’Université Bristol et puis d’un Master en éducation de la Harvard University Graduate School of Education. Elle approfondit enfin son savoir livresque avec un doctorat en sociologie de l’éducation de la Harvard Graduate School of Education, dont le sujet est: Cooperative Education: An alternative route to equal opportunity. Cette thèse pose les bases de la suite de ses engagements constants, et jamais reniés, pour les femmes, pour les autres et pour l’éducation en général et en particulier.

Ses formations, et son expérience de terrain, l’ont en effet convaincue à tout jamais, « that EDUCATION was what was going to save the world and make it a more equal place for everybody to live in ».

De fait, dans sa vie, Sonia a beaucoup enseigné à différents niveaux dans des institutions prestigieuses et dans plusieurs pays. Elle a également travaillé pour des agences onusiennes (OMS/WHO ou OIT/ILO) et pour de nombreuses ONGs. 

Côté grandes conférences onusiennes, elle fit partie du comité de planification des ONGs pour la grande Conférence des femmes de Nairobi en 1985. Elle fut membre de la conférence suivante Conference on Social Development à Copenhague en 1994, puis enfin elle fut partie prenante de la Conférence de Beijing/Pékin en 1995, qui a servi de base à nombre de revendications et d’actions par et pour les femmes dans le monde entier, en qualité de NGO Liaison Officer ECE Regional Meeting for the UN Conference on Women.

Son engagement pour le Soroptimisme ne fut pas que local, mais également international, puisqu’elle a été des années durant notre représentante aux Nations unies (United Nations Representative for Soroptimist International, International Council on Social Welfare), où elle accomplit un travail estimable et estimé. Sonia nous dit : « Ce fut l’occasion qui permit au SI de contribuer de façon remarquable à l’avancement des droits des femmes, dans de nombreux domaines, dont l’emploi et la santé :  travail non rémunéré, microcrédit, PME, pratiques ancestrales qui affectent la santé des femmes et des enfants. Cet engagement fut synonyme de nombreux voyages et présentations lors de conférences SI en Turquie, aux USA en Grande Bretagne ou en Australie par exemple. » 

Elle fut également responsable du groupe de travail femmes de la Commission économique des ONGs pour l’Europe (CEE) (Convenor of the NGO Economic Commission for Europe (ECE) Working Group on Women). 

Suivant ses intérêts de toujours, elle s’est en outre engagée par et pour le projet Solar Cookers International, initié en 1987 par deux Américaines (Solar Box Cookers International), qui produit des kits pour la cuisson permettant aux femmes de cuisiner à l’énergie solaire en toute sécurité et en toute autonomie. Elle fut longtemps leur représentante auprès de l’ECOSOC, demandant à ce que ce projet soit intégré dans les programmes des agences de développement.

On parle beaucoup dans la recherche du manque de modèles pour les jeunes femmes, ce qui les empêche parfois d’avancer. Sonia, elle, s’en était choisie deux, et pas des moindres. Suzanne Noël, pionnière de la chirurgie réparatrice et co-fondatrice de nombreux clubs Soroptimist en Europe. Et Eleanor Roosevelt, qu’elle admirait pour ses engagements pour les droits humains. Eleanor Roosevelt, épouse du président américain Franklin Delano Roosevelt, joua un rôle déterminant dans l’élaboration de la Déclaration universelle des droits de l’Homme qui fut adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 10 décembre 1948 au Palais Chaillot à Paris. 

En décembre 2008, par un jour de grand froid, nous sommes une petite équipe réunie près de la fameuse chaise cassée de la Place des Nations unies pour l’inauguration par la Ville de Genève d’une plaque commémorative en son honneur, en présence de la conseillère fédérale Micheline Calmy-Rey et du petit-fils d’Eleanor, David Roosevelt. Sonia est de la partie pour fêter également la parution d’une remarquable brochure sur cette grande dame rédigée par John F. Sears (à lire absolument sur internet), et dans le groupe de travail qui permit la réalisation de ce bel ouvrage se trouvait bien sûr… Sonia Heptonstall.

Mais Sonia avait aussi des amitiés actuelles qui ont forgé d’autres engagements. Son amie africaine qui souffrit dans son corps les mutilations génitales mua Sonia en avocate de toutes ses femmes et marqua profondément son engagement contre les mutilations génitales. A tel point que Simon, son fils, auquel nous avons demandé qu’elle était son plus grand succès, répond : « Parmi toutes ses actions, ses engagements, ses contributions intellectuelles, je suis presque sûr que ma mère considérait son travail sur les mutilations génitales mené avec Berhane Ras-Work comme the « biggest success of her life ? » (Ndlr. Berhane,noble Ethiopienne élevée dans le rite et la tradition, a présidé à Genève le Comité interafricain qui lutte contre les mutilations sexuelles des femmes et coordonné les activités des pays membres du Comité interafricain, qui œuvre en terre africaine, à l’éradication des traditions mutilantes, dont des millions de femmes sont encore victimes aujourd’hui.) 

Sonia expliquait que dans les années 80 le sujet n’était jamais évoqué et pire encore que certains prétendaient que tenter de changer ces pratiques ancestrales, c’était des idées impérialistes et coloniales. Constatant que l’on parlait de plus en plus de ce sujet, que cette pratique était pénalement répréhensible en Europe, et lisant une série d’articles sur le sujet dans le très British Guardian, elle était vraiment fière d’avoir été de cette bataille. Elle était convaincue que les ONGs avaient le pouvoir de faire du lobbying auprès des gouvernements et des agences onusiennes afin de faire changer les attitudes et les politiques, même si cela prend parfois des décennies. »

Malgré ses multiples engagements, Sonia était également une femme lucide sur le statut des femmes en général, et du sien en particulier. A une amie qui lui demandait récemment son C.V. pour un nouveau site internet, elle répondit sincèrement : « Il n’a jamais été facile de répondre à une demande de C.V. Épouse de mon mari, John Heptonstall, docteur ès finances, j’ai souvent été qualifiée de femme d’expat, sans égard aucun pour mon propre doctorat de l’Université de Harvard, ma carrière d’enseignante et de membre du UK British Council. Avec pour résultat que l’on me refusa longtemps un permis de travail après notre emménagement à Genève. Mais fort heureusement, ce n’est plus le cas en Suisse. »

A cette même amie, elle s’excusait dans le même message d’avoir pris du retard à lui répondre : « Nous sommes en plein déménagement. Notre commune nous a gentiment proposé un appartement dans un nouveau complexe résidentiel. Cela a signifié le tri et le déplacement soudain d’une montagne de livres et de documents et des travaux de rénovation… »

Pour l’aider elle et John, son mari, dans ce changement de maison, son fils Simon a quitté Londres pour se réinstaller à Genève. Graphiste, fils et petit-fils de Soroptimists, il en a profité pour se lancer dans l’étude de l’histoire de notre sigle Soroptimist. Une fine équipe a co-rédigé les textes sur la base de ses informations et Sonia venait de terminer la traduction anglaise. Cet opuscule va paraître sous peu. Il est dédié à Marjorie Lilian Ring, la mère Soroptimist de Sonia et la grand-mère de Simon. La boucle d’une belle histoire d’engagement est bouclée. Sûre que d’où elle est, Sonia nous sourit et nous encourage à aller de l’avant.

Thank you so much, dear Sonia. We will miss you.

Brigitte Mantilleri pour ses amies du Club Genève-Rhône

Encadré

A propos de valeurs, Marie-Christiane Brodbeck qui la connaissait bien nous écrit: Nous perdons avec Sonia une personne de grande qualité aussi bien professionnelle que morale et une sorop convaincue, car sa mère était une sorop de la première heure. Elle a été guidée durant sa vie professionnelle par la nécessité d’éduquer les filles que ce soit ici ou dans les continents moins favorisés. Elle a beaucoup œuvré au sein des Organisations internationales, à l’ECOSOC notamment, elle en connaissait les arcanes par cœur.

Je suis triste pour son mari et son fils qui doivent se sentir bien seuls, car elle était là aussi au sein de sa famille, une épouse et une mère très attentive.

Triste aussi pour notre club car nous perdons une amie fidèle, dont les connaissances nous ont été précieuses.

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